Introduction :
La mini-série Adolescence, réalisée par Stephen Graham, plonge dans la vie d’un jeune garçon, Jamie, qui commet un acte de violence tragique. En suivant son parcours, la série nous montre comment les défis de l’adolescence, l’isolement social et les influences en ligne peuvent affecter profondément un jeune. Cet article vous propose une réflexion sur les enjeux psychologiques de la série et comment ils résonnent avec les expériences de nombreux adolescents aujourd’hui.
Résumé de l’histoire :
Adolescence raconte l’histoire de Jamie, un adolescent sensible et isolé, qui se retrouve impliqué dans le meurtre de Katie, une camarade de classe. Placé dans un centre de détention pour mineurs en attendant son procès, il est suivi par une psychologue, Briony Ariston, qui cherche à comprendre les raisons profondes de ses actes. À travers la série, nous découvrons que Jamie, comme beaucoup d’adolescents, fait face à des conflits internes complexes liés à son identité, à ses relations et à l’influence d’internet.
Les défis de l’adolescence :
L’adolescence est une période de bouleversements émotionnels et psychologiques. C’est un moment où les jeunes se cherchent, où ils construisent leur identité et s’éloignent de l’influence des parents pour s’affirmer dans le monde. Dans Adolescence, Jamie vit une grande souffrance due à son sentiment de rejet social et à son incapacité à s’intégrer. Il cherche des réponses dans des communautés en ligne où il se sent accepté, mais ces groupes, comme les forums incels, nourrissent des sentiments négatifs et destructeurs envers les femmes et la société.
Les dangers des influences en ligne :
Dans la série, Jamie est exposé à des groupes en ligne toxiques, qui renforcent son ressentiment envers les autres et l’encouragent à nourrir ses frustrations. Ces communautés virtuelles deviennent un espace où il trouve une forme d’appartenance, mais une appartenance dangereuse, qui l’éloigne encore plus de la réalité et de l’empathie. Pour les parents, cela montre à quel point il est essentiel de surveiller les influences en ligne de leurs enfants, en particulier celles qui véhiculent des messages de haine et de rejet.
La quête d’identité et le besoin d’acceptation :
Tout au long de la série, Jamie lutte pour trouver sa place dans le monde. Comme beaucoup d’adolescents, il a un besoin profond d’être reconnu et aimé. Cependant, ce besoin est amplifié par des échecs sociaux et personnels. La violence qu’il commet contre Katie peut être vue comme une tentative désespérée de contrôler une situation où il se sent impuissant. Ce type de comportement peut être perçu comme une tentative maladroite de prouver sa valeur, mais aussi comme un signe de détresse émotionnelle profonde.
Le rôle de l’image de soi :
La série met aussi en lumière l’importance de l’image de soi chez les adolescents. Jamie se voit comme un garçon rejeté, incapable de répondre aux attentes sociales. Dans ce contexte, son acte violent devient une manière de se réaffirmer, même de manière destructrice. Cela nous rappelle à quel point l’image que se fait un adolescent de lui-même peut affecter ses choix et comportements.
Conclusion :
Adolescence est bien plus qu’une simple histoire de violence juvénile. C’est une exploration des luttes intérieures des adolescents, confrontés à l’isolement, à la pression des pairs et aux influences souvent néfastes des réseaux sociaux. Pour les parents, cette série est un appel à la vigilance et à l’écoute, pour comprendre ce que traversent leurs enfants à cette période complexe de leur vie. La violence, le rejet et la quête de validation en ligne sont des symptômes de plus grands enjeux émotionnels, qui méritent d’être abordés avec compréhension et bienveillance.
L'ÉPISODE 3 : L'ENTRETIEN JAMIE ET LA PSY
L’épisode 3 porte sur les échanges entre Jamie, incarcéré pour meurtre, et la psychologue. Dans cette partie, nous proposons d’expliquer certains concepts psychanalytiques à partir de passages de cet épisode, perçus comme cliniques. Cet entretien entre Jamie et la psychologue mobilise des questions telles que le fantasme, le regard de l’Autre, la castration, les réseaux sociaux, etc. Nous analyserons également ici le discours de Jamie, en mettant en valeur le transfert, la place du signifiant, et la jouissance qui organise son rapport au monde. (Voir en bas de l'article, glossaire pour les concepts).
I. Les signifiants maîtres qui organisent le discours de Jamie
Le discours de Jamie est structuré autour de plusieurs signifiants maîtres (S1), qui organisent à la fois son rapport au monde et à lui-même. Ces signifiants agissent comme des points de capiton (points nodaux) qui donnent une cohérence à son récit de soi, mais le fixent aussi dans une impasse subjective :
Les signifiants Maîtres (S1) | Effet sur Jamie | Type de rapport |
Moche | Dévalorisation narcissique | Imaginaire |
Honte | Affiliation au regard de l'Autre (le père) | Symbolique |
Incel | Identification a une communauté d'exclus | Réel |
Raté/Looser | Destin préécrit, fatalisme social et sexuel | Réel/imaginaire |
Ces signifiants organisent un discours sans S2 : c’est-à-dire qu’ils ne sont pas reliés à un savoir structurant ou sans avoir la capacité a élaborer ni a symboliser leurs sens, ce qui permettrait de les déconstruire ou de les remettre en jeu. Jamie en s’identifie massivement à ces signifiants, sans médiation, cela alimente une boucle de jouissance. Son discours prduit une jouissance douloureuse, sous une forme d’autopunition narcissique, de plainte masochique, ou encore de la haine.
La jouissance est ici :
- en excès par rapport au signifiant : Jamie jouit d’un certain échec, d’une position de victime méprisée,
- non symbolisée, donc elle revient dans le réel sous forme d’affects bruts (colère, honte, tristesse, crise),
- liée à l’image du corps, notamment à travers la question du "moche", du regard, et du désir de Katie.
II. les moments de bascule dans le discours de Jamie
Plusieurs séquences dans l’épisode marquent des basculements de jouissance : ce sont des points où l’affect déborde, où le discours déraille, où l’Autre (la psy) touche un point sensible. Comme par exemple :
le passage sur le souvenir du père au club de foot : Jamie pense que son père avait honte de lui parce qu’il jouait mal. Basculement affectif : la honte, la blessure narcissique, l’interprétation erronée du regard du père.
Le rejet de Katie : Jamie voit une opportunité de se rapprocher d’elle quand elle subit du harcèlement en ligne. Mais elle lui répond : « Je suis pas si désespérée ». Humiliation, relance de la jouissance négative. C’est un moment charnière où le rejet féminin relance son identification au signifiant incel.
Instagram : les emojis et la moquerie : l’espace numérique devient un théâtre de mise en scène de la castration. Jamie subit le regard de l’Autre dans sa dimension cruelle. Jouissance dans le réel de l’image, du regard moqueur.
Séance avec la psy : « Qu’est-ce que ça fait d’être moche, Jamie ? » : La psy ne cherche pas à démentir son énoncé. Elle fait au contraire un pas de côté. Pour Jamie, cette question active un transfert massif : il entend la voix de Katie dans celle de la psy. C’est un point de court-circuit, un retour du réel, une attaque identitaire. La scène fait irruption dans le réel : Jamie se fâche, se ferme. On est au point de jouissance maximale, où le discours ne soutient plus l'adolescent, mais le menace.
Ces moments marquent l’impossibilité pour Jamie de soutenir un discours symbolisant. On assiste à la fois à une tentative de subjectivation, et à une décompensation, car la jouissance est trop proche, trop crue.
A. « C’est pas vous qui me dites ce que je dois faire » : position phallique et menace du féminin
Quand Jamie se lève face à la psy, debout tandis qu’elle est assise, c’est une scène phallique. Il s’identifie au pouvoir, au maître, à l’autorité.
« C’est pas vous qui me dites ce que je dois faire. »
Durant l'entretien, il mime de la frapper, la menace, veut la faire taire. Le féminin devient ici objet d’effroi, figure du manque, qu’il faut écraser pour ne pas y sombrer. Le phallus n’est plus un signifiant, c’est une posture imaginaire, un corps dressé, une attaque. Mais cette verticalité est illusoire : elle cache une structure vacillante, menacée par la castration.
B. Le réel de l’acte : déni, décompensation et chute du refoulement
Jamie a participé à la diffusion d’une photo de Katie. Elle s’est suicidée. Lorsqu’on lui dit « elle est morte », il reste figé, comme si cette parole venait percuter le réel sans passer par le symbolique.
Ou bien, lorsqu'il dit à la psy :
« L’autre psy, c’était plus facile. Il voulait juste vérifier si j’avais compris ce que j’avais fait. »
Puis il s’énerve :
« C’est pas ce que je voulais dire… C’est vous qui mettez les mots dans ma bouche ! »
Le déni chute ici. Le réel du crime commence à traverser la barrière psychique. Il ne veut pas savoir ce qu’il a fait. Il veut comprendre sans ressentir, dire sans subjectiver. Mais la parole de la psy troue ce déni. Elle ne vérifie pas un savoir ; elle convoque Jamie dans son acte, et cela devient insupportable.
III. Le scène du souvenir du foot : "mon père avait honte de moi"
Le récit que Jamie livre à sa psy autour d’un souvenir d’enfance – un match de football où son père détourne le regard alors que les autres pères se moquent – condense un noyau fantasmatique essentiel. Jamie interprète ce détour de regard comme un signe de honte. Il pense que son père ne veut pas être associé à lui, qu’il est un fils décevant. Cette lecture subjective vient s'inscrire dans le champ du fantasme, où Jamie donne sens à l’Autre et à son propre manque.
La scène, a priori banale, prend alors une dimension structurante : elle articule le rapport à la masculinité, à la compétence, à la reconnaissance paternelle, mais surtout à la possibilité d’être un objet d’amour ou de fierté. Le regard du père, dans cette lecture fantasmatique, devient le lieu d’un rejet fondateur.
L’intérêt clinique majeur de cette scène réside dans le décalage entre ce que dit Jamie ("il avait honte") et ce que l’on apprendra plus tard par le discours du père (dans l’épisode 4) : ce dernier avoue à sa femme qu’il était triste pour son fils, qu’il ne savait pas comment le protéger du regard des autres pères, et qu’il ne voulait pas ajouter à sa souffrance. Cette discordance entre les versions montre que la vérité subjective ne tient pas à la réalité factuelle, mais à la construction fantasmatique.
Élément du discours de Jamie | Lecture psychanalytique |
Interprétation de Jamie | Construction d'un fantasme de honte et d'échec |
La version du pére sur le souvenir du foot (ep. 4) | Autre vérité : tristesse, impuissance, amour |
Effet subjectif | Position d'objet manquant ; identification ratée |
Rôle de la psy | Soutenir le symptôme sans le corriger ; faire parler le fantasme |
Le fantasme de déception organise chez Jamie une forme de masochisme psychique : il se situe comme objet manquant, comme celui qui n’a pas su ou pu satisfaire l’Autre. Dans ce cadre, l’analyse cherche non à contredire le fantasme, mais à le faire parler, à en faire un matériau d’association qui permette au sujet d’accéder à une autre lecture de son histoire.
IV. Le passage du "je suis moche" : l'image, le regard, et le réel
Cette scène constitue un moment clé de bascule dans le dialogue entre Jamie et la psy. Jamie affirme : je suis moche.
Cet énoncé semble de prime abord relever du narcissisme blessé. Mais on peut y entendre une vérité de structure : Jamie parle d’une position de rejet dans le champ du regard, il dit qu’il ne peut être vu comme objet de désir. Il est « moche » dans le regard de l’Autre, c’est-à-dire exclu de la reconnaissance et du désir symbolique.
La psy choisit de ne pas réparer son image, de ne pas dire "Mais non, tu n’es pas moche". Au lieu de cela, elle répond : « Alors, qu’est ce que ça te fait d’être moche Jamie ».
Par cette relance, elle soutient l’énoncé de Jamie sans y coller une vérité réparatrice, elle l’ouvre à une réflexion, à une énonciation possible. Elle prend au sérieux la phrase, non comme fait objectif, mais comme signifiant maître qui représente Jamie. Mais on peut supposer que Jamie entend alors cette phrase comme si c’était Katie qui la disait, et non la psy (dans cette scène on ne voit pas la psy uniquement sa voix. Le timbre de voix est different a ce moment là). C’est un moment de glissement du transfert : la psy devient porteuse du signifiant blessant, de la voix moqueuse, du rejet.
"Ce qui n’est pas symbolisé fait retour dans le réel » pour Jamie. C’est donc un moment d’effraction du fantasme. Jamie perd l’adresse à la parole et s’effondre dans un affect de rage et de honte. Le fantasme ne fonctionne plus comme filtre, il devient intrusif, percutant. Le signifiant "moche" n’a pas été relié, symbolisé, historicisé. Il revient comme une vérité brute, traumatique, non traitée par le langage.
Élément du discours de Jamie | Lecture psychanalytique |
"je suis moche" | Signifiant non symbolisé ; point de réel |
Réaction du psy | Refus de la réparation imaginaire ; relance de Jamie |
Basculement | Transfert dérouté ; la psy devient la voix de l'Autre moqueur |
Effet clinique | Émergence du fantasme ; éffondrement de la scène de parole |
Ce moment nous enseigne que l’analyse ne vise pas la restauration narcissique mais la possibilité de faire parler le signifiant blessant, de traverser le fantasme pour permettre une autre position a Jamie.
IV Bis. Le stade du miroir, la honte et le regard de l'Autre
Le discours de Jamie est traversé par un rapport conflictuel à l’image de lui-même, notamment à travers le signifiant « moche », qui condense une faille narcissique profonde. Ce moment fait directement écho à ce que Lacan décrit comme le stade du miroir : cette identification primaire du l’enfant à une image de lui-même, perçue comme unifiée et idéale, mais toujours médiée par le regard de l’Autre.
À l’adolescence, ce moment se rejoue avec une intensité renouvelée : le corps change, l’image spéculaire devient source de honte, de rejet ou d’idéalisation. Chez Jamie, ce miroir est multiple :
- Le regard du père sur le terrain de foot, interprété comme du mépris,
- Le regard de Katie, qui l’humilie et le rejette,
- Le regard des autres sur Instagram, via les likes, les emojis moqueurs, les commentaires implicites,
- Le regard supposé de la psy, perçu comme jugeant ou complice de la cruauté des autres.
La honte apparaît ici comme un affect structurant, au croisement du regard et du manque : ce n’est pas simplement que Jamie n’aime pas son image, c’est que l’image de lui-même qu’il introjecte est saturée par le jugement de l’Autre, et ne peut pas être assumée comme sienne. Il est à la fois celui qui se regarde, et celui qui se regarde être regardé.
On peut dire, avec Lacan, que le moi se constitue dans l’ordre de l’Autre — et c’est cette dépendance radicale qui, chez Jamie, se retourne en souffrance.
V. À côté de Jamie : réseaux sociaux, regards partagés et lapsus révélateur
Dans une scène plus apaisée, la psy s’assoit à côté de Jamie. Ensemble, ils regardent ses publications sur Instagram. Elle adopte ici une position d’écoute latérale, non surplombante. Le sujet (Jamie) peut alors exprimer une subjectivité plus fine, liée à l’image de soi.
Mais la psy fait un lapsus : elle dit Facebook au lieu d’Instagram. Ce n’est pas anodin. C’est une rupture générationnelle, mais surtout un ratage d’adresse symbolique. Jamie n’est pas sur Facebook. Ce réseau incarne l’Autre parental, dépassé. Le lapsus trahit la difficulté pour le clinicien de s’accorder au monde imaginaire de Jamie.
VI. Harcèlement, incel, radicalisation : suppléances au Nom-du-Père
Un autre nœud se construit autour de Katie et de la question du désir. Katie est victime de harcèlement sexuel en ligne, un garçon lui demande des photos de ses seins. Ce garçon partage sur les réseaux sociaux ses photos. C’est pour elle une blessure narcissique profonde. Jamie tente d’être présent, de se rapprocher d’elle, mais elle le rejette : « je suis pas si désespérée. »
Ce rejet le renvoie violemment à son fantasme de non-désirabilité. Katie le qualifie ensuite d’incel sur Instagram, en l’accompagnant d’emojis moqueurs. Jamie devient un objet de haine et de moquerie publique. Cette scène rejoue l’expérience du regard du père au stade du miroir, mais cette fois en version numérique, virale, destructrice.
Dans cet espace d’exclusion et de souffrance, Jamie se tourne vers les communautés incel en ligne. Il y trouve :
- un nom pour sa douleur,
- une structure discursive pour dire sa haine,
- une jouissance dans la dévalorisation de l’Autre sexuel.
Ce processus s’analyse comme une suppléance au Nom-du-Père. Là où l’adolescent ne peut se faire une place dans le discours symbolique, il entre dans un discours de jouissance, circulaire, sans sujet.
Élément du discours de Jamie | Lecture psychanalytique |
Rejet par Katie | Castration symbolique ; retour du réel du sexe |
Harcèlement en ligne | Dégradation de l'image de soi ; jouissance |
Incel | Nomination du réel non-symbolisé ; identification mortifère |
Communauté incel en ligne | Discours sans S2 (sans savoir ni sens) : Boucle de jouissance |
Idéologie | Suppléance au Nom-Du-Père ; lieu de parole sans subjectivation |
Ces identifications viennent fixer la souffrance au lieu de la faire circuler. Elles offrent une place, mais au prix de l’arrêt de tout travail psychique. La radicalisation devient ici une solution subjective à l’impossibilité de faire exister l'adolescent dans un discours.
Conclusion
L’épisode 3 propose une riche matière clinique pour interroger le malaise adolescent à l’ère numérique. Le personnage de Jamie illustre la difficulté d’inscrire une subjectivité dans un monde saturé d’images, de performances viriles, et de discours violents en ligne. À travers l’angle psychanalytique, on voit comment certains signifiants prennent une valeur traumatique (moche, honte), comment la jouissance fait retour dans le corps et le langage, et comment le cadre transférentiel peut permettre — ou non — une élaboration psychique.
C’est aussi une invitation à penser le travail du psy non pas comme un dispensateur de vérité ou de confort, mais comme un opérateur de coupure symbolique, capable de créer un espace où le sujet peut commencer à se dégager de la boucle de jouissance, et retrouver du jeu dans le langage.
GLOSSAIRE :
Transfert : Processus par lequel le patient projette sur le thérapeute des sentiments, des attentes ou des fantasmes liés à des figures de son passé (souvent parentales). Dans l’entretien entre Jamie et la psychologue, cela se manifeste par son agressivité, sa méfiance ou sa recherche d’approbation.
Contre-transfert : Réactions émotionnelles du thérapeute face au patient, souvent inconscientes. Elles peuvent être déclenchées par le transfert du patient. Par exemple, quand la psy s’énerve ou fait un lapsus, on peut y lire un effet de contre-transfert.
Nom-du-Père :Concept lacanien désignant la fonction symbolique du père. Il ne s’agit pas du père réel, mais de la loi qui introduit la séparation entre l’enfant et la mère, permettant l’entrée dans le langage et la structuration du désir. L’absence de cette fonction chez Jamie rend difficile l’élaboration de ses affects et l’inscription de sa subjectivité.
Jouissance
: Chez Lacan, la jouissance est un plaisir qui dépasse la satisfaction, souvent lié à la douleur, à l’excès ou à la transgression. Ce n’est pas un plaisir apaisant, mais une forme de débordement du corps ou du langage. Quand Jamie crie, jette des objets ou fait peur à la psy, il exprime une jouissance non symbolisée.
Refoulement / déni : Le refoulement est le mécanisme par lequel une pensée ou un désir inacceptable est repoussé dans l’inconscient. Le déni, lui, consiste à refuser une réalité perçue comme trop douloureuse. Jamie semble dans un déni de son acte (la mort de Katie) jusqu’à ce que le réel le rattrape.
Phallus : Symbole du désir et de la position symbolique. Il ne s’agit pas de l’organe sexuel, mais de ce qui représente le pouvoir ou la place dans le désir de l’Autre. Quand Jamie se dresse devant la psy, tente de dominer ou impose le silence, il tente d'incarner ce phallus.
Castration symbolique
Processus fondamental en psychanalyse : elle ne désigne pas une mutilation réelle, mais l’expérience du manque et de la limite. Elle marque l’entrée dans l’ordre symbolique du langage, en renonçant à la jouissance toute-puissante. Elle permet la subjectivation. Jamie semble refuser cette castration : il rejette la loi, veut être tout, sans limite — ce qui l’entraîne vers la violence.
Autre (avec un grand A) : L’Autre est une figure de l’extérieur, souvent associée au langage, à la loi, à la société ou à l’inconscient. Le sujet se construit toujours en rapport à cet Autre. La psy, pour Jamie, incarne cet Autre menaçant, ce qui explique ses réactions de persécution.
Jouissance féminine / haine du féminin : La jouissance féminine, pour Lacan, est une forme de jouissance non toute, qui échappe à la logique phallique. Elle dérange, parce qu’elle ne se laisse pas enfermer dans un sens. Jamie, confronté à cette altérité radicale, réagit par la haine : il attaque, insulte ou tente de soumettre ce qui lui échappe.
Radicalisation / Incel :
Le terme incel vient de involuntary celibate (« célibataire involontaire ») : désigne des hommes (souvent jeunes) qui se regroupent en ligne autour d’un rejet de la sexualité, des femmes et d’une forme de masculinité victimaire. La radicalisation en ligne offre un cadre idéologique à leur souffrance et à leur haine.
Lapsus : Erreur de langage qui révèle un désir inconscient. Quand la psy dit « Facebook » au lieu de « Instagram », cela peut signaler un déplacement symbolique ou une difficulté à penser le numérique.
Structure psychique : En psychanalyse, le sujet n’est pas défini par son comportement, mais par une structure sous-jacente (névrose, psychose, perversion). Jamie montre des passages à l’acte, des persécutions, un discours délirant : tout cela interroge sa structure.
Sujet : En psychanalyse, le « sujet » ne désigne pas l’individu au sens psychologique, mais le sujet de l’inconscient, divisé, traversé par le langage. Il ne maîtrise pas entièrement ce qu’il dit ou fait, et son désir lui est en partie étranger. Jamie est pris dans cette division : il dit parfois « c’est pas ce que je voulais dire », montrant que le sujet est parlé autant qu’il parle.
Signifiant
: Un signifiant est une unité du langage qui prend sens dans sa relation à d’autres signifiants. Pour Lacan, « l’inconscient est structuré comme un langage » : le sujet est pris dans un réseau de signifiants qui organisent son discours, son désir, son histoire. Chez Jamie, des signifiants comme « honte », « masculin », « moche », « pouvoir » ou « incel » structurent son rapport au monde et à lui-même. En claire, en signifiant peut être un mot, une expression, un geste, un bruit etc…
Subjectivité
La subjectivité : désigne la manière dont le sujet se perçoit et se positionne dans le monde, selon son histoire, son désir, sa structure psychique. En psychanalyse, elle est toujours traversée par l’inconscient et les signifiants. Jamie, dans ses contradictions, ses colères, ses rejets, témoigne d’une subjectivité en tension, travaillée par un manque de symbolisation et une difficulté à se situer dans le discours de l’Autre.