Une rencontre, un début possible

Il n’y a pas de modèle préétabli pour une séance. Chaque personne vient avec son histoire, ses mots, ses silences. Mon rôle est d’ouvrir un espace d’écoute, sans jugement, sans interprétation hâtive, sans grille de lecture toute faite.

Lors du premier rendez-vous, il ne s’agit pas de répondre à une série de questions ou de remplir un formulaire. Il ne s’agit pas non plus de définir immédiatement un “problème”. Ce temps-là est dédié à ce qui pousse à consulter, même si c’est confus, flou ou difficile à dire. Parfois, un mot suffit à faire entendre quelque chose. Parfois, il faut du temps pour que la parole advienne.

Je travaille à partir de ce qui se dit — ou ne se dit pas. Il n’est pas nécessaire de “savoir” ce que l’on veut dire pour commencer. Ce qui compte, c’est le cadre : une adresse, un lieu, un temps réservé, une écoute engagée.

La durée d’une séance est généralement de 45 minutes. La fréquence peut être discutée ensemble, en fonction de ce qui est possible et souhaité. La confidentialité et le respect de la parole sont garantis.

Je reçois à Tokyo, dans un cadre calme et discret, ou en ligne si la situation le nécessite.

 

Ces trois exemples, rédigées dans le respect du code de déontologique des psychologues, ne sont pas des récits complets, mais des instants saisis en séance où un mot, un chiffre ou une image ouvre une chaîne d’associations et fait apparaître l’inconscient à l’œuvre. Ils montrent comment, dans le cadre thérapeutique et analytique, un détail apparemment insignifiant peut prendre sens et relier différentes expériences de vie. Chaque fragment est entièrement anonymisé et transformé, afin qu’aucune identification ne soit possible.

 

En séance : Le chiffre 6

Une patiente me raconte qu’elle écrit une histoire pour un ami passionné de mythologie, centrée sur le Père Fouettard, qui vient le 6 décembre. Elle remarque aussi qu’elle ne parvient pas à lire ou écrire un chapitre de plus de six pages : au-delà, sa concentration se perd. Je souligne ce chiffre « six ». Elle en rit, puis s’aperçoit qu’il revient ailleurs : la date de naissance de sa belle-mère, le souvenir de sa classe de 6ᵉ au collège — période marquée par le harcèlement et une tentative de suicide.

Nous poursuivons : elle se souvient des prénoms de certains camarades, dont un, « Francise », fait encore entendre ce six. Je lui dis : « Vous voyez comment un mot, un chiffre peut condenser différents moments de votre vie. »

Cette vignette illustre la logique de l’inconscient : un détail apparemment insignifiant — un chiffre, un prénom — se met à résonner, à relier des expériences de vie et à donner accès à une mémoire enfouie. C’est dans ce tissage, par les associations et les échos de la parole, que le travail analytique prend toute sa force.

En psychanalyse, on parle d’équivoque lorsqu’un même mot ou un même son condense plusieurs significations. Ici, le chiffre « six » fait résonner différents registres de l’histoire de la patiente (dates, souvenirs, prénoms). Ce n’est pas un hasard, mais la trace du travail de l’inconscient, qui se déploie dans le jeu des signifiants.

 

En séance : Le chant des sirènes

Un patient consulte à la suite d’une rupture amoureuse. Chaque séance, il revient sur cette femme, cette séparation, comme pris dans une répétition douloureuse.

Un jour, il dit : « J’ai cédé au chant des sirènes. » Je m’arrête sur cette expression et lui demande : « Quand vous parlez du chant des sirènes, vous pensez à la mythologie grecque ? » Il acquiesce, sans pouvoir en dire davantage.

Ce mot pourtant éclaire sa position : non seulement par rapport à sa maîtresse, mais aussi à sa femme, à sa mère, et plus largement à son rapport au féminin. Le chant des sirènes, c’est la voix qui séduit, qui attire, mais qui menace aussi de faire perdre sa route.

Dans L’Odyssée, les sirènes captivent Ulysse par leur chant. Elles promettent un savoir absolu, une jouissance illimitée — mais céder, c’est mourir. Pour Lacan, et pour des cliniciens comme Jean-Michel Vivès, ce mythe illustre ce qu’il appelle la voix comme objet : une voix qui ne se réduit pas au sens, mais qui agit sur le corps, qui capte et fascine.

Ulysse, attaché au mât de son navire, choisit d’écouter sans se laisser engloutir. Cette image peut être lue comme une métaphore de l’analyse : entendre l’appel du désir, de l’inconscient, sans se perdre, grâce au cadre qui tient. C’est d’ailleurs ce que je lui dis en fin de séance, sur un ton léger : « La prochaine fois, tu t’attacheras au mât comme Ulysse. »

Cette vignette montre comment un mot peut ouvrir, en séance, une dimension insoupçonnée : au-delà d’une rupture amoureuse, c’est tout un rapport au féminin et à la séduction qui se révèle, pris dans la force énigmatique de la voix.

 

En séance : Le rêve du sanglier

Un patient raconte en séance un rêve marquant :
« Je suis poursuivi par un sanglier. »

Au réveil, il garde une impression persistante : celle d’être traqué, visé.
Dans l’association libre, ce rêve se relie à une phrase répétée par son père depuis l’enfance :
« Il faut que tu aies une cible. »

Ce mot d’ordre paternel avait longtemps pesé sur lui : viser un but, réussir, être tendu vers un objectif. Mais dans le rêve, la logique se renverse : ce n’est plus lui qui vise, c’est lui qui devient la cible — poursuivi par l’animal.

En jouant avec le mot sanglier, d’autres résonances apparaissent : sangle et lier.
La sangle, c’est ce qui attache et immobilise.
Lier, c’est ce qui noue, parfois jusqu’à l’aliénation.
Le sanglier devient alors une image condensée de ce qui l’attache à l’injonction paternelle.

Ce fragment illustre comment un rêve, par ses images et ses équivoques, révèle un rapport à l’Autre et ouvre une possibilité nouvelle : se délier de cette sangle, avancer non plus comme objet visé, mais selon son propre désir.

Alexis Dazy, Psychologue et psychanalyste à Tokyo