Introduction

L’adolescence est une période de transformation : le corps change, la personnalité se cherche, l’identité se construit dans le regard des autres. C’est aussi un moment d’expérimentation, où les pairs et les outils technologiques jouent un rôle central. L’usage de l’intelligence artificielle par les adolescents doit donc être lu à la lumière de cette étape particulière de la vie. Les adolescents utilisent déjà l’intelligence artificielle (IA) au quotidien : pour résumer un texte, préparer un exposé, trouver des idées. Ces usages, parfois banals, transforment pourtant leur rapport au savoir, à l’école et à eux-mêmes. Comment accompagner cette mutation ?

 

1. Quand l’IA devient un raccourci

Exemple : un élève de seconde a un texte de philo à préparer. Plutôt que de lire le texte, il demande à ChatGPT un résumé. Résultat : il gagne du temps, mais perd l’occasion de se confronter à la difficulté de la lecture, à l’effort d’interprétation.

  • Conseil aux parents : intéressez-vous au chemin, pas seulement au résultat. Demandez-lui ce qu’il a compris par lui-même avant d’aller chercher l’aide de l’IA.

 

2. Le risque de dépendance

Exemple : une collégienne rédige ses rédactions avec l’IA. Elle n’ose plus écrire seule : « j’ai peur que ce soit moins bien que la machine ».

  • Conseil : valorisez la singularité de son style. Expliquez que ce qui compte, c’est sa voix, ses mots, ses erreurs même — car c’est ainsi qu’on apprend.

 

3. Identité et confiance en soi

À l’adolescence, on construit son identité. Se comparer à une machine qui « sait tout » peut renforcer des fragilités : sentiment d’infériorité, peur de ne pas être à la hauteur.

  • Conseil : rappelez que l’IA ne « pense » pas, elle calcule. Elle n’a pas de désir, pas d’expérience, pas d’affects. Ce qui fait la richesse de votre enfant, c’est justement son vécu singulier.

 

4. De nouveaux symptômes à l’ère de l’IA

 

Symptôme possible Chez l'adolescent
Angoisse scolaire « Je ne sais plus apprendre sans l’IA »
Dépendance cognitive Besoin compulsif de vérifier ou reformuler avec la machine
Perte de créativité Blocage devant une feuille blanche sans l’IA
Fragilité identitaire Sentiment d’être « moins bon que la machine »

 

5. Comment accompagner son ado ?

  • Encourager un usage critique : plutôt que d’interdire, apprendre à questionner les réponses de l’IA.

  • Valoriser l’effort : l’apprentissage passe par la difficulté, pas par la solution immédiate.

  • Dialoguer : demander à l’adolescent ce qu’il ressent en utilisant ces outils, ses craintes, ses satisfactions.

  • Donner l’exemple : montrer soi-même un rapport mesuré à l’IA (l’utiliser parfois, mais pas pour tout).

 

6. Le prompt comme miroir du psychisme

Quand un adolescent écrit un prompt (la consigne donnée à l’IA), il ne fait pas qu’interroger une machine : il révèle aussi quelque chose de sa façon de penser et de se situer face au savoir.

  • Un prompt vague (« Explique-moi ce texte ») peut traduire une difficulté à préciser ce qu’il attend, à structurer sa demande.

  • Un prompt ultra-détaillé (« Fais un résumé en 10 lignes, avec introduction, trois arguments, une conclusion ») peut témoigner d’un besoin de contrôle, parfois d’une angoisse face à l’incertitude.

  • Un prompt fermé (« Donne-moi la bonne réponse ») place l’IA dans la position d’un Autre omniscient.

  • Un prompt ouvert (« Donne-moi trois pistes possibles ») montre une tolérance plus grande à la pluralité et au doute.

En ce sens, le prompt devient un petit miroir du psychisme : il reflète le rapport de l’adolescent au langage, au savoir, et à l’Autre.
Conseil aux parents : prenez le temps de regarder comment votre enfant formule sa question. Cela peut être l’occasion d’un dialogue : « Pourquoi tu l’as demandé comme ça ? Qu’est-ce que tu attends de la réponse ? »

 

Conclusion

L’IA fait désormais partie de la vie scolaire. Elle n’est ni bonne ni mauvaise en soi : tout dépend de la façon dont elle est utilisée. L’enjeu, pour les adolescents, est de ne pas perdre confiance en leur propre capacité d’apprendre, de créer et de penser. Et c’est aux adultes de les accompagner sur ce chemin.

 

Pour aller plus loin : quelques lectures pour les parents
  • Serge Tisseron, 3-6-9-12, apprivoiser les écrans et grandir

  • Olivier Duris, L’enfant et les écrans. Psychanalyse d’une cohabitation

  • Antonio Casilli, En attendant les robots

  • Pascal Plantard, Les ados et les réseaux sociaux

  • Catherine Vidal, Nos cerveaux resteront-ils humains ?